Meteora  
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« J'aimerais, de ma puérile obstination à frapper avec mes poings nus la pierre, ne conserver, au terme de ma vie, que la vision de la blancheur infinie du mur. » — Reb Ara.
Edmond Jabès, Le Livre des Ressemblances.



Babylone était déserte ; ses hauts murs portaient leurs propres ombres immobiles. Les Météores, eux, sont habités, et les ombres éphémères qui glissent sur les façades tranquilles marquent les heures de la journée.
Babylone était abandonnée, ses secrets bien gardés au centre d'un labyrinthe de passages et d'escaliers étroits. Ici, si mystère il y a, il ne peut être que dans l'embrasure d'une fenêtre brièvement entre-ouverte, derrière les plis d'un rideau, ou encore dans la pénombre d'un balcon.
Les murs de Babylone ont été patiemment érigés, suivant des plans complexes et sacrés, sans doute rêvés, afin d'y accueillir pour l'éternité le souvenir des dieux, alors que les façades claires des Météores qui se dressent en pleine lumière ne sont que promesse de sécurité, et peut-être de quiétude. Là-bas, juste là, derrière des volets tirés, on vit à l'abri, ou reclus. Un empilement de mondes domestiques, où le temps passe et laisse des marques. Ici, des vies s'écoulent dans l'intimité de voilages décoratifs ou dans la pénombre de chambres peut-être encombrées de souvenirs.

Les architecture sacrées ont cherché à reproduire, par leurs formes et leurs rythmes, un ordre supposé de l'univers. Les Météores imposent leur ordre propre par des symétries répétées ou incongrues, par la duplication et la division de surfaces habitables. Qu'elles ne soient qu'à quelques mètres du sol, ou "suspendues au ciel", leurs façades blanches, bien que proches, affirment un ailleurs incontestable et inaccessible.